mercredi, 13 novembre 2013
Collèges de campagne..
Roman-théâtre
Du journal d'Itdiotie
Les collèges de campagne, ne sont pas tout à fait ce que l'on croit d'eux. Une prof de fac m'avait dit une fois : Oh! Vous allez enseigner dans un collège de campagne, les élèves sont sûrement calmes là-bas. Détrompez-vous.
Je ne sais plus quel auteur avait parlé à propos de l'éducation de « nature brute à dégrossir ». C'est un peu ce que l'on doit faire dans les campagnes, car si les élèves ne savent pas où l'Autriche et s'ils ne savent pas à 14 ans que signifie « prendre congé », alors sachez que c'est tout simplement parce qu'ils ont moins accès à la culture que dans les villes, pour eux tout ce dont on parle est du vague, ce n'est pas du concret. Même montrer une ville sur une carte, ou en regarder une ou des photos, c'est du vague. Et il y a collège de campagne et collège de campagne. L'an dernier j'ai enseigné dans un collège de campagne où il y avait une gare et les élèves y semblaient plus murs. Peut-être qu'ils sont moins isolés. Pour les collèges des villes sans gare, généralement le car de ramassage qui est maintenant aussi un car de ligne, est presque vide au départ de la ville où il y a une gare, ville assez importante pour le coin. Il se remplit au deuxième ou troisième village rencontré, après avoir déposé une ou deux personne à chaque arrêt. Et puis le premier village de la carte scolaire du village arrive et un premier flux d'élèves monte, puis un deuxième et un troisième jusqu'à ce que le car soit plein ou presque. Déjà au premier village, on sent l'isolement, un hameau, quelques maisons, parfois une église. Beaucoup des parents sont agriculteurs. Ou alors ils vont travailler à la grande ville qu'on a vu au début du parcours et ont choisi la campagne pour résidence. Dans ce cas, les enfants sont plus cultivés. Certains élèves parlent encore patois, mais pas tous. Les élèves commencent à parler plus élégamment en troisième, mais pas toujours. Ils n'ont souvent pas de pudeur. Si quelqu'un fait un P. dans la classe, c'est un grand sujet de conversation, il faut vite ouvrir la fenêtre, ça sent mauvais, on cherche le coupable, on le montre « C'est lui! ». Ce que nous les citadins n'aurions jamais osé faire. C'est la nature brute. Allez leur dire qu'on ne parle pas de cela en classe. Mais il n'y a pas que cela, ils n'ont pas l'habitude de se tenir tranquille, habitués qu'ils sont à courir dans les bois et les champs. Nous, on n'avait même pas le droit de jouer dans la rue! Ils gigotent sur leurs chaises, manifestent de l'énervement, s'amusent d'un rien. Ils ne sont pas mûrs du tout, surtout les garçons, mais parfois aussi les filles, qui feront d'excellents BEP coiffure ou maquillage. Car c'est déjà leur passion, la coiffure, le maquillage, l'habillement... les chanteuses.
Bêtie m'a dit :
Je ne me maquille pas, je ne vais jamais chez le coiffeur. J'ai des boucles naturelles dans les pointes des cheveux. J'ai des cernes noirs autour des yeux. C'est la fatigue et pas une poudre quelconque. J'ai du rose en haut des joues, c'est de la couperose. Ni coiffure, ni maquillage chez moi, je n'ai pas leur genre. Je n'ai d'ailleurs jamais le temps de m'apprêter le matin, il faut toujours courir, courir, courir, pour avoir le train et arriver à l'heure. A mon âge, j'aimerais plus souvent faire la grasse matinée, mais même quand je commence à 9 heures (deux fois par semaine), il faut prendre le même train et le même car que quand je commence à 8 heures. Cinq jours par semaine, je dois me lever tôt. Pour être à 6 heures 30 à la gare à 4 km d'ici. Et le sixième, je repars déjà à une heure de l'après-midi pour mes adultes et la promotion indirecte de ma matière. Que je n'enseignerai dans le secondaire au maximum qu' encore jusqu'à 65 ans, c'est à dire jusqu'à dans deux ans, 9 mois et quinze jours. Je les compte. Dans 2 ans, 9 mois et quinze jours, je serai libre d'étudier, libre de rechercher, libre d'écrire (peut-être qu'alors beaucoup en prendront pour leur grade), quand je serai retraitée je dirai tout le malheur qu'on m'a fait et je dirai des noms. Que je dis pas actuellement. Et il y a tout le malheur qu'on m'a fait sans que je le sache, les collègues qui ont écrit sur moi, etc... ce que je n'ai jamais fait sur eux. Mais alors je n'aurai plus de raison de me taire.
...
Les élèves de la campagne, n'ont pas encore été dégrossis par leurs professeurs des écoles, par leurs profs de sixième et de cinquième quand on les a en quatrième. Ils sont toujours aussi ignorants, ne savent pas qu'étudier une langue comme l'allemand est important, que tout ce qu'on a appris étant jeune, ne sera plus à refaire plus tard, car on retient mieux étant jeune, que la grammaire est impostante pour une langue et ils ignorent encore beaucoup de choses de l'Europe et de sa géographie, du monde et de sa géographie, toutes choses que l'on devrait vérifier au brevet au collège. Ceux qui passaient à l'époque de nos parents le certificat d'études primaires avaient à 14 ans de meilleurs connaissances qu'eux. Ils ne savaient peut-être pas les chansons de One Direction, ni parler anglais, mais il savaient où étaient l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse, et où étaient Poitiers, Bordeaux ou même Cholet et Limoges. Ils savaient tous les noms des pays du monde, leur capitale et leurs drapeaux, et les situer, toutes les sous-préfectures, et les noms et les numéros des départements, ils savaient nommer tous les os du corps, l'ordre des planètes. Ils connaissaient l'histoire, 1515 Marignan, 1789 la Révolution Française, 1610 l'assassinat d'Henri IV par Ravaillac. Ils savaient dans quel sens on dit les siècles, le XVIème pour les années 1500 etc.. Allez poser ces questions à nos collégiens de quatrième.
A un prof de géographie qui a demandé à la cantonade : Où est l'Autriche ? Un élève a répondu : C'est Österreich, Venez, monsieur, je peux vous montrer où c'est, c'est sur le mur de la salle d'allemand.
Idiotie
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P.S. Dans la région où doit aller travailler Betie, j'aime les paysages, c'est de la petite montagne, presque, tout vert, avec des chevaux et des vaches, et des arbres... et une rivière qui coule au fond d'un vallon entre les deux collèges. mais je n'aime pas la route en hiver, ni les cars, les trains que doit prendre Bêtie, l'attente du car dans la froidure du matin... Pauvre Bêtie, je la plains.
Pour Idiotie
domino
22:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
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