vendredi, 17 février 2006
Langue de mer, de fleuves, de lande et de forêts.
DE MER, DE FLEUVES, DE LANDE ET DE FORêT
Allemand,
langue de forêt,
langue de montagne aux sapins verts,
Même en hiver,
Langue des pentes enneigées,
Des pistes qui courent dans la forêt,
Langue du Tirol,
De la Bavière,
Des petits trolls,
Aux yeux verts,
Langue pour valser
Au bord du Danube Bleu
Langue pour marcher
Sur des crêtes aux vents adriatiques
Et plonger le regard dans des vallées
Chères aux cœurs romantiques,
Langue pour plonger
Dans des lacs turquoises
Plus bleus que la mer d’Iroise
Langue pour voguer
Sur le Bodensee,
Aux brumes de chaleur ouatée
En été.
Langue de volutes baroques
Qui s’envolent sans-souci,
En gigantesques harmonies
De vos luths qui évoquent
La lumière
De Voltaire,
La musique
De Frédéric,
Le plein-chant
De l’orgue
de Jean Sébastien
Et le chant
Des nymphes
Des bassins
Des jardins.
Langue aux gammes ensorcelantes
Du vieillard aux cheveux blancs
Qui au piano de Weimar
Charmait de jeunes femmes blondes
Quand un autre citoyen de la ville
Envoyait ses voleurs
Aux assauts de la tempête
Et le plus grand de cette langue
Allait voir sa Charlotte
En pleurant
Puis botanisait dans les champs
Et sur la cabane du haut
De la forêt d’Ilmenau
Gravait des mots mémorables
Au cœur de tous les allemands
"Über allen Gipfeln ist Ruh".Sur tous les sommets est la Paix
Langue des landes violettes
Qui prennent des airs de prénom,
En s’alanguissant vers la mer
Aux étendues de sables blondes
Aux îles plates
Brandissant leurs phares vers les flots
Ou entourées de falaises
Blanches comme la craie
Pour Caspar Friedrich
Ou rouges comme le feu
Du soleil couchant
Pour loger les goélands
A Helgoland.
Allons avec Laure Ley
Cueillir les cailloux d’or
Au fond du Rhin,
Et charmer un batelier,
Qui s’endort,
Enlacé dans ses cheveux d’or
Ecoutant la chanson de Heine.
Flânons dans les petites villes
Où les ruelles s’entortillent,
Sous les oriels où de jeunes filles
Epient leurs amoureux
Qui font leurs aveux
Près de la fontaine au tilleul
Où de nombreux cœurs sont gravés
Où des prénoms aux sons de lande
Tout au fond de ce Land,
Gomment les rugosités
De l’écorce de cette langue
Et teintent ses voyelles
D’un lointain parfum de miel.
Domino (dominique d.-v.)
19:20 Publié dans pensées i-grimoiresques d'Outre-Rhin, poésie janvier à mars 06 | Lien permanent | Commentaires (12)
Commentaires
Ici, Elisabeth. Tu me fais rire, domino. Je ne sais pas combien de temps tu as mis pour composer ce poème, mais moi je ne saurais pas en faire de si longs.... J'aime les Trolls. Ma petite fille en a un que ma soeur, Geneviève, qui habite en Angleterre, avait offert à ma fillle, donc sa mère, et elle l'adore.
Pour ce qui est de tes commentaires sur mon blog, tu me fais rire aussi. C'est Michel FUGAIN qui a écrit : Le printemps est arrivé, la belle saison, l'amour et la joie... vive la vie et vive le vent, vive la vie et vive le printemps.
Oui, ce poème, c'est moi qui l'ai écrit et "les rayons du vent" c'est mon invention. J'ai pensé au vent qui souffle à certains endroits seulement et pas à d'autres, dans la même rue ... on peut dire que ce sont les couloirs de vent...
Concernant les mormons et leur polygamie, je n'ai pas d'avis car il faut être conditionné tout petit et comme mon père et ma mère n'étaient pas polygames (je ne pense pas) je ne suis pas habituée, donc je n'aimerais pas en fait. Bonne continuation et merci de venir sur mon blog.
Mais, ton poème est vraiment long......
Écrit par : elisabeth | vendredi, 17 février 2006
Ton commentaire aussi, il est long; j'ai mis une petite heure pour faire le poème. Les trolls, c'est Mumintroll qui m'y a fait pensé, c'est une blogueuse de Suisse Alémanique qui tricote beaucoup. Des poèmes sur l'Allemagne, je pourrais en écrire des livres, à l'inspiration de tous les voyages que j'ai fait, de tous les livres en allemand que j'ai lus et de toutes les musiques aux volutes baroques (une expression que j'affectionne à cause de sa ressemblance avec ""luths baroques" et aux consonnances romantiques que j'ai écoutées. L'allemand, c'est mon métier, je m'y connais.
Chez moi je n'ai pas de troll, mais un Zwergeli autrichien.
Et aussi le Grand Stroumpf.
domino
Écrit par : domino | vendredi, 17 février 2006
Explication de texte (2) :
Dans ce poème, j'ai fait beaucoup d'allusions à des noms propres ou à des mots de la langue allemande. Quand je parle de landes qui prennent des airs de prénom, je fais allusion à la lande de Lunebourg, die Lüneburger Heide, car le mot pour lande est en allemand Heide, un prénom allemand, dont le diminutif est le célébrissime prénom Heidi.
domino
Écrit par : domino | vendredi, 17 février 2006
Bravo Domino, j'entends l'allemand dans tes mots... J'entends la langue que tu chantes si bien!
Écrit par : Evariste | vendredi, 17 février 2006
Merci, Evariste. Voilà quelqu'un qui me comprend !
domino
Écrit par : domino | vendredi, 17 février 2006
HEIDI ! HEIDI ! petite fille des montagnes, HEIDI, HEIDI....
Souvenir de ma fille quand elle était petite et qu'elle regardait le feuilleton à la télévision... Moi aussi, j'ai fait de l'Allemand, en seconde langue au Lycée ... mais la grammaire est difficile aussi je préfèrais l'anglais. J'avais de très bonnes notes en anglais ( 13/20, 16/20) et en allemand c'était plutôt autour de 10/20. Aussi, ne compte pas sur moi pour écrire des poèmes en allemand. Par contre, je sais écrire des poèmes en anglais. J'en ai quelques-uns en stock dans une chemise que je publierai un jour.
Écrit par : elisabeth | samedi, 18 février 2006
Je les attends avec impatience.
domino
Écrit par : domino | dimanche, 19 février 2006
D'accord, mais avant je vais les relire pour voir s'ils sont assez bons pour être publiés sur mon blog.
A demain
Écrit par : elisabeth | dimanche, 19 février 2006
Explications :
1) Troll : petit lutin de la foêt, je crois qu'ils vivent dans les arbres et ont un aspect un peu boisé.
2) Danube : fleuve d'Autriche.
3) Le Danube Bleu : Valse de Strauss.
4) Les crêtes aux vents adriatiques : il s'agit ici des crêtes sur lesquelles je faisais des randonnées vers l'âge de 30 ans. Ce sont les crêtes des préalpes au Sud de l'Autriche.
5) Les lacs turquoises : j'ai pensé ici aux lacs de Carinthie en Autriche et plus particulièrement au Weissensee, lac aux eaux turquoises entourées d'une auréole blanche due à une plage immergée qui existait en des temps reculés.
6) la mer d'Iroise : mer d'Irlande, je crois, on l'entend souvent dans les information météorologiques maritimes.
7) le Bodensee : Lac de Constance, grand lac partagé entre trois pays : l'Allemangne au Nord, l'Auriche à l'Est, la Suisse au Sud et à l'Ouest.
8) langue de volutes baroques : à partir d'ici, je fais allusion à la période baroque et des lumières, quand Voltaire était à la cour de prusse.
9) volutes baroques : jeu de mots sur volutes baroques et vos luths baroques, à la cour de Frédéric II, on jouait du luth baroque. Frédéric II était un despote éclairé.
10) sans-souci : allusion au château de sans-souci où Frédéric II d'ailleurs ne parlait allemand qu'à ses chevaux, à la cour il parlait français, c'était le pays et la langue en vogue à l'époque (XVIIIème siècle) et latin à l'église.
11) Voltaire était à la cour de Frédéric II où celui-ci l'avait convié pour qu'il puisse lui communuquer ses idées, car Frédéric II était un roi très ouvert aux idées nouvelles de l'Aufklärung, nom donné en Allemagne au siècle des lumières.
12) Frédéric : Frédéric II dont je viens de parler au dessus.
13) Jean-Sébastien : Bach.
14) Les nymphes des bassins des jardins, ceux de Sans-Souci..
15) giantesques harmonies, plein-chant de l'orgue, allusion à Jean-Sébastien Bach qui tenait les orgues de la Thomaskirche de Leipzig.
16)Le veillard aux cheveux blancs/au piano de Weimar : Franz Liszt qui a vécu un moment à Weimar. Pianiste et compositeur pour piano.
17) Weimar : ville des classiques, c'est là qu'ont vécu surtout Schiller, Goethe et Herder.
18) Un autre citoyen de la ville, Schiller.
19) Envoyait ses voleurs : pièce de théâtre du Sturm und Drang; "Les Brigands" de Schiller.
20) aux assauts de la tempête : allusion au mouvement du Sturm und Drang, mouvement littéraire vers 1770, à l'époque, les jeunes auteurs voulaient balayer les conceptions trop classiques de l'époque des Lumières, mais ils sont eux-mêmes revenus au classicisme ensuite, que l'on appelle le classicisme de Weimar. Le mot Sturm signifie "tempête".
21) Le plus grand de cette langue : Goethe.
22) Allait voir sa Charlotte. Charlotte Buff qui servit de modèle à Lotte des Souffrances du Jeune Werther. C'était l'un des premiers amours de Goethe, qui auparavant aima aussi Frédérique Brion quand il était étudiant à Strasbourg.
Il connu Charlotte lorsqu'il eut une place administrative près de Frankfort. Il connu aussi une autre Charlotte, Charlotte von Stein à Weimar, une noble dame cultivée;
Il eut beaucoup d'amours qu'il chanta dans ses écrits et encore dans sa vieillesse, mais il fut marié à Christiane Vulpius dont il eut un fils.
23) Il botanisait dans les champs : Goethe n'était pas seulement écrivain, il dut aussi travailler pour vivre et avait une haute fonction administrative dans la ville de Weimar et était aussi féru de sciences, en particulier d'anatomie, c'est lui qui découvrit un os de la machôîre, et il faisait des herbiers, et répertoriaient toutes les plantes dont il pouvait avoir connaissance. Il créa aussi une théorie des couleurs. On se demande comment un seul esprit pouvait avoir autant de cordes à son arc et faire autant de choses.
24) La cabane en haut d'Ilmenau, gravait des mots mémorables... Je fais allusion ici à la cabane qui se trouve sur une montagne de la forêt de Thuringe qui domine la petite ville d'Ilmenau. Goethe qui avait plusieurs belles maisons avait un Landsitz, une maison de campagne, près d'Ilmenau, à Sturzerbach très exactement. On peut encore la visiter aujourd'hui. De là, il montait souvent sur la montagne qui était au débouché de la vallée et surplombait Ilmenau. En haut de cette montagne est est est toujours un petit chalet. Et sur les planches de la cabane Goethe avait écrit le poème "Über allen Gipfeln ist Ruh", "sur tous les sommets est la paix". Tout comme la tâche d'encre faite par Luther sur les murs de son bureau dans le château d'Eisenach non loin de là, on jetant son encrier sur le diable qui lui serait apparu, cette gravure dans le bois est devenue une institution respectable et respectée.
Écrit par : domino | vendredi, 09 juin 2006
Suite des explications :
(Je vous donne ces explications pour que vous puissiez relire mon poème en le comprenant).
25) landes violettes : il s'agit ici de la lande de Lünebourg qux bruyères qui prennent des teintes violettes et mauves en été.
26) des airs de prénom : un prénom est lié à la lande:
Heide veut dire lande ou bruyére et est un auusi prénom féminin.
27) en s'alanguissant vers la mer, la lande de Lunebourg s'étend au Sud-Est de Hambourg, non loin de la mer.
28) les îles plates : il s'agit ici des Iles de la mer du Nord,
iles frisonnes et iles du Schleswig-Holstein.
29) Les falaises blanches : les falaises de la Mer Baltique,
à l'Est de la Côte, en particulier celles de l'île de Rügen.
30) Caspar (David) Friedrich : Caspar David Friedrich, peintre allemand qui a peint des tableaux sur lesquels les personnages sont quasiment toujours de dos et semblent contempler quelquechose. Il a peint plusieurs tableaux sur l'île de Rügen dont un très célèbre où les falaises blanches sont pratiquement représentées comme des dents de scie, et où le personnage contemple la mer. Regardez sur mes liens "Le plus beau site-mari" les Meeresgedichte où des poèmes sur la mer sont placés à coté de peintures de C.D. Friedrich.
31) Les falaises rouges, Helgoland. Presque toutes les îles allemandes sont non loin de la côte, sauf l'île d'Helgoland qui est au large dans la mer du Nord à égale distance des côtes du Schleswig-Holstein, Land situé en dessous(= au Sud) du Danemark et le Land de Basse-Saxe au bord de la Mer du Nord. Les falaises rouges sont celles de cette île. C'est une réserve naturelle pour les oiseaux. Le goéland fait partie de mon imaginaire poétique depuis mon adolescence.
32) Laure Ley, façon différente d'écrire et de franciser le nom de la Loreley. Cette nouvelle orthoraphe est de mon invention. La Loreley est à la fois, un poème, une chanson et un rocher. En effet, c'est Heirich Heine qui en 1823 a écrit le poème la Loreley, cette sirène qui noyait les bâteliers en peignant ses cheveux d'or et en chantant une mélodie envoûtante sur le sommet d'une falaise au bord du Rhin, là où le Rhin était dangereux à cause des écueils, c'est là où il fait un coude... pour couler vers le Nord. Ce poème avait une valeur symbolique, car Heine était un poète censuré par le pouvoir princier allemand et ne pouvait exprimer librement ses idéaux. La sirène blonde peut représenter le pouvoir princier allemand (elle portait des bijoux précieux) et le bâtelier le pauvre poète qui "ramait", c'est le cas de le dire, et s'engloutissait dans les flots à force de censure.
Écrit par : domino | vendredi, 09 juin 2006
Explications (3)
J'ai scindé ce commentaire d'explication de mon poème (je suis également l'auteur de ce blog) en 3 parties pour des raisons pratiques : plus de commodité d'écriture).
33) allait cueillir les cailloux d'or : allusion à l'Or du Rhin. Ce n'est pas la Loreley qui a enfouit l'or du Rhin, mais il s'agit d'anciennes légendes (pas forcément des légendes, elles peuvent avoir une base réelle concernant des rois qui auraint vécu au VIème, VIIème siècles), une reine aurait enfoui le trésor de son époux dans le Rhin à la mort de celui-ci, car il était convoité par sa rivale). Le Nibelungenlied écrit en 1200 décrit en vers cette épopée du roi Gunter, où Siegried intervient. Wagner a repris ensuite la légende dans ses opéras en la transposant dans le domaine des dieux germaniques. Je crée une nouvelle légende où la Loreley va chercher le trésor dans le Rhin.
34) la chanson de Heine : le poème de Heine (1823), mis en musique au XIXème siècle. Cette chanson, très connue est devenue une chanson ancienne aussi célèbre que notre temps des cerises, également écrit au XIXème siècle. Elle était chantée jusqu'à il y a peu (on est devenu trop moderne) dans toutes les écoles primaires allemandes.
35) "Et charmer..."..."cheveux d'or"... J'ai pris le contrepied du poème de Heine, car ici le batelier réussit la conquête de la Lore Ley. Il s'agit peut-être Paul s'endormant dans mes cheveux châtains dorés lorsque nous étions jeunes. Je lui chantais parfois la Loreley en m'accompagnant à la guitare.
36) "Flânons dans les petites villes, où les ruelles s'entortillent ...", les petites villes et les villages allemands aux étroites ruelles à maisons à colombage". A titre de comparaison, prenez Riquewihr en Allemagne.
37) "où les ruelles s'entortillent" : allusion aussi à Thomas Mann qui dans un discours fait de son exil en Californie à l'adresse des allemands avait fait un discours qu'il reprend presque textuellement dans le Dr Faustus où les rues tortueuses des villes allemandes représentent les époques obscures du Moyen-Age et de la Renaissance. Il n'aimait pas Luther et sa Réforme parce qu'il le trouvait trop soumis à l'autorité civile. Et considérait sa Réforme comme obcurantiste. (Il s'agit bien de l'avis de Thomas Mann qui en exil, ne savaient pas des protestants comme le pasteur Niemöller avait fait de la résistance intérieure à Hitler).
38) Les "oriels" : partie avancée d'une pièce à l'étage débordant au-dessus de la rue et vitrée, où les dames se tenaient en brodant et en reardant le passage sur la rue.
39) La fontaine au tilleul : toutes les places et placettes allemandes ont leur traditionnelle fontaine, et également leur tilleul séculaire. Ce tilleul est chanté dans le Lied de Schubert, der Lindenbaum, le tilleul, dont les paroles commencent pas :"Am Brunnen vor dem Tore, da steht ein Lindenbaum", A la fontaine devant le portail se tient un tilleul, "
40) Plus loin dans la chanson deu Lindenbaum, il est question de coeurs gravés dans l'écorce du tilleul qui était l'endroit traditionnel où les amoureux se déclaraient leur flamme.
41) la rugosité de cette langue/ ses voyelles d'un léger parfum de miel" : personnellement, moi qui suis professeur d'allemand, je ne pense pas que cette langue soit rugueuse. Lorsqu' on la comprend complètement, on la trouve plutôt chantante et ses voyelles soit longues, soit brèves sont particulièrement colorées, les degrés d'ouverture ou de fermeture des voyelles sont pratiquement inimitables pour un étraner, s'il n'a pas l'oreille musicienne. La langue évolue aussi et de plus en plus les jeunes estompent les accentuations et accélèrent le débit.
domin (ou Domino ou dominique d.-v.).
Écrit par : domino | vendredi, 09 juin 2006
J'espère que les quelques explications donnés ci-dessus auront éclairé ceux de mes lecteurs qui n'avaient pas compris mon poème...
Écrit par : domino | vendredi, 09 juin 2006
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