jeudi, 15 juin 2006
Verlaine. Bac 2.
Voci le texte qui
a) Etait à commenter dans le sujet 1a du bac technologique.(question II-1)
b) Etait à utiliser pour la comparaison de la question 1-1.
c) Faissait partie du corpus des sujets II-2 et II-3.
Pour les consignes des sujets voir ma note Bac 1.
L'échelonnement des haies
Moutonne à l'infini, mer
Claire dans le brouillard clair
Qui sent bon les jeunes baies.
Des arbres et des moulins
Sont légers sur le vert tendre
Où vient s'ébattre et s'étendre
L'agilité des poulains.
Dans ce vague d'un Dimanche
Voici se jouer aussi
De grandes brebis aussi
Douces que leur laine blanche.
Tout à l'heure déferlait
L'onde, roulée en volutes,
De cloches comme des flûtes
Dans le ciel comme du lait.
Stickney, 75.
(Extrait de Paul Verlaine, Sagesse III, 1881.)
1) Est-ce que quelqu'un sait pourquoi il est écrit à coté du poème Stickney 75. Est-ce une nomenclature comme les BWV de BAch ou les KV de Mozart? Ou le lieu et l'année ou le poème a été écrit ? En Angleterre ?
2) Explication
Il ne s'agit pas ici de la réalisation d'un des trois sujets évoqués plus haut, mais de préliminaires explicatifs servant ensuite à mieux cibler le sens du poème pour réaliser l'une de ces trois questions.
A- Pour les professeurs : Des entraves de contexte interne, entraves linguistiques.
B- Pour les élèves : Des difficultés liées au lexique employé et au style.
A. Entraves grammaticales et stylistiques :
Personification d'éléments de la nature et glissement du réel sujet du verbe vers un autre sujet. Pronominalisation inhabituelle du verbe.
Exemples :
- "Où vient s'ébattre et s'étendre
L'agilité des poulains".
-"Voici se jouer aussi
De grandes brebis..."
Dans le premier exemple, les verbes "s'ébattre et s'étendre" devraient avoir comme sujets les "poulains", en réalité ce sont les poulains qui "s'ébattent et s'étendent" et non leur agilité. Il y a eu ici un glissement du sujet réel du verbe les poulains, vers la base du groupe nominal contenant en complément du nom (génitif) les poulains.
Si l'on lit rapidement cette strophe, on comprend bien que ce sont les poulains qui s'ébattent et s'étendent, mais le poète a préféré donner comme sujet à ces verbes l'agilité ce qui donne un rythme à sa strophe et lui permet de terminer le quatrième vers avec le nombre de pieds voulus dans ce quatrain aux vers hexamétriques (de sept pieds) et à faire rimer "poulains" avec "moulins" (J'écris de la poésie, donc je peux m'en douter).
Peut-être est-ce la raison la plus plausible qui le plus prosaïquement du monde a amené Verlaine à employer cette licence poétique, mais le lecteur, lui, comprendra que dans cette licence poétique il s'agit d'une personification de l'agilité; examinons la concordance entre le sens d'"agilité" et les verbes dont ce mot est le sujet. l'agilité (des poulains) s'ébat, ces deux mots concordent bien ensemble, pour s'ébattre, les poulains ont besoin d'agilité, donc cette image est tout à fait compréhensible.
Par contre, là où la chose se complique, c'est quand "l'agilité" (des poulains) s'étend ! On imagine aisément un poulain s'étendre avec agilité, Ici, c'est seulement le mouvement de s'étendre qui est concerné par l'agilité. Mais malgré cela l'expression indique une idée de repos. Il pourrait s'agir ici d'un procédé stylistique appelé oxymorre qui met en face l'un de l'autre et dans un seul élan du sens deux concepts radicalement opposés : ici, l'agilité et le repos. C'est dans ce procédé qu'on appelerait en allemand la Verfremdung, le fait de décontenancer le lecteur par des procédés littéraires inhabituels, que réside le caractère poétique donné à l'expression et la poésie.
On peut rapprocher de ce procédé celui du deuxième exemple :
On peut se demander dans ce poème où les couleurs ("vert tendre", "laine blanche", "ciel comme du lait") ou les atmosphères évoquant des couleurs ("mer claire", "brouillard clair", "vagues") et des choses colorées ("baies", "laine", "onde"), ce que peut évoquer le mot "jouer". Théoriquement, on pourrait penser que ce soient les moutons qui jouent et le pronom réfléchi "se" aurait été ajouté comme licence poétique. Des lecteurs modernes pourraient penser à l'expression "Je me la joue tranquille (cool)". Mais cette expression est trop moderne pour servir ici de base à l'explication, avec Verlaine, nous sommes au 19ème siècle, et pas au 21ème ! Ici l'expression "se jouer", est plutôt relative aux couleurs et aux atmosphères, C'est la douceur et la couleur blanche des moutons qui avec le blanc du brouillard laiteux et le vert des haies et des prairies domine dans ce poème bicolore et se joue dans cette ensemble aux nuances veloutées.
Donc, la pronominalisation de "jouer" permet au poète de non pas mettre en valeur le mouvement du à la présence de moutons, mais au contraire permet d'ajouter à l'ensemble la douceur de leur laine blanche. Tout comme dans l'oxymorre, "s'étendre l'agiilité", un mot indiquant un mouvement "jouer" est contredit par d'autres concepts indiquant la douceur et une certaine immobilité du paysage où les mouvements des poulains sont quasiment imperceptibles.
B- Entraves lexicales :
1) "moutonner" : on dit que la mer a des moutons quand il y a un peu d'écume,mais cependant pas de grandes vagues ; le moutonnement des vagues décrit alors la succession horizontale, un peu irrégulière des rangées de vagues que nous voyons devant nous, lorsque nous regardons de la plage vers la mer. Ici ce sont les haies qui disposées les unes derrière les autres entre les prairies donnent au paysage cet aspect de mer et de vague. Cet aspect est d'ailleurs renforcé par la présence des poulains et des moutons qui se déplacent légèrement comme des vagues qui moutonnent, Et par les effets sonores des cloches dans la dernière strophe dont les ondes sonores déferlent et se déroulent comme de l'eau, la comparaison avec les vagues, métaphore filée de la première à la dernière strophe, est latente dans le poème et même le mot "vague" du premier vers de la troisième strophe peut être considéré comme étant à double sens.
2) "l'échelonnement" : dans le mot "échelonnement", vous entendez les mots "échelle" et "échelon" qui sont de même racine étymologique. Dans une échelle, vous gravissez des barreaux qui sont situés à égale distance les uns des autres. Lorsque vous gravissez des échelons qu'ils soient réels (sur un escalier de bois dans une forêt par exemple ou sur un petit escalier vous permettant d'escalader les haies) ou ficitifs (les échelons d'une carrière de fonctionnaire, par exemple), vous trouvez ces échelons sensiblement à égale distance les uns des autres, mais toujours espacés l'un de l'autre.
Concernant l'échelonnage des haies, il s'agit d'un espacement dans l'espace des haies, qui, lorsqu'on les regarde de loin produisent un effet de barres horizontales espacées les unes des autres, semblables à des échelons que de l'oeil on peut gravir d'un saut. Cet échelonnement est le même que celui de la mer dont les vagues successives forment des barres horizontales devant vous. D'ailleurs le mot "mer" arrive dès le troisième vers.
3) "des baies", pour ceux d'entre vous qui n'habitent pas à la campagne, il ne s'agit pas des baies et golfes de la mer, mais de petits fruits, tel que le cassis, les groseilles, le cynodorrhon, le fruit d'églantier. On parle souvent de "baies pour les oiseaux". En allemand et en anglais les noms de ces fruits contiennent d'ailleurs le mot générique pour la baie, "berry" en anglais et "Beere" en allemand. Cependant, il est possible qu'il y ait un jeu de mot, effet de style recherché par l'auteur entre ces baies et la métaphore de l'onde déferlante, mais ceci n'est pas certain. Peut-être cependant Verlaine a-t-il choisi ce mot plutôt que "fleurs" ou "boutons", ou"bourgeons" ou "feuilles" ou simplement pour la rime, mais, même au cas où il ne l'aurait pas fait exprès, l'effet est réussi.
4) "volutes", le sujet vous donne en note de bas de page l'explication "spirales". On ne peut pas dire vraiment, même si la forme en est sensiblement la même que le mot "volute" soit l'équivalent du mot "spirale". Une spirale est généralement formé par un solide. On parle d'escalier en spirale. Des volutes, peuvent être soit des effets de peinture ou architecturaux, mais plats, formé par des bas-reliefs ou des dessins dans une mosaïque ou une peinture. Leur tracé n'est pas aussi régulier que celui d'une spirale. Généralement, on parle de volutes de fumée. La fumée se disperse dans l'air en formant des espèces d'arabesques qui à certains endroit se retournent sur elle-meme, formant un angle. Ici, c'est le son des cloches qui se propage dans l'air d'une façon tantôt régulière, tantôt irrégulière, s'amplifiant et diminuant comme les couloirs de fumées qui forment des volutes ne sont pas en tout endroit d'une largeur égale, Le bordon et la clochette ne sonnent pas de la méme façonn mais les vibrations, la résonnance et l'écho de leurs sons conjugués vont s'enflant et se rétrécissant au travers de la campagne.
5) "déferler", ce mot s'emploie pour les vagues qui déferlent les unes après les autres, la plupart du temps vers la plage ou la côte. Pour la plupart d'entre nous, le déferlement des vagues est associé au bruit fracassant d'eau qui se brise sur les rochers ou au roulement des vagues qui s'échouent sur la plage en se retournant et se déroulant.
Ici, le poète associe le bruit du déferlement de l'onde avec le déferlement des vibrations sonores des cloches.
D'ores et déjà, après avoir étudié les principales difficultés lexicales et syntaxiques de ce poème nous pouvons en dégager une partie du sens. Et nous avons commencé à montrer les procédés poétiques qu'emploie Verlaine pour "faire de la Poésie".
(A suivre).
(Rappel : Ce poème a été donné il y a deux jours dans le sujet de l'épreuve anticipée de français (classe de première) de toutes les sections de baccalauréat technologique.)
Réf. 6FRTEME1
domino pour les explications, Verlaine pour le poème (Le poème de Verlaine datant du XIXème siècle, est du domaine public).
Je suis, à cause du temps limité de connection, obligée de publier ma note en plusieurs fois et je ccorrige les fautes de frappe ensuite, c'est pourquoi, si vous voyez apparaître une note qui n'est pas terminée, je vous prie d'en excuser les feutes de frappes momentaner et d'attendre un peu pour la lire enntièrement.
Ceci n'est pas un corrigé. Mais ce sont des explications préliminaires à la compréhension du texte.
13:15 Publié dans Littérature i-grimoiresque, Poésie | Lien permanent | Commentaires (4)